L’angle mort du savoir
Les naturalistes se trouvent, en ce début de XXIe siècle, dans une situation paradoxale.
D’un côté, ils ont pris conscience au cours des 20 dernières années de l’immensité de la magnitude de la biodiversité, et sont passés de l’hypothèse : « Nous connaissons 1,6 millions d’espèces, et il en reste peut-être encore autant à découvrir », au constat : « Nous connaissons 1,8 millions d’espèces, mais le nombre réel se situe probablement entre 8 et 30 millions ». Les espèces connues et nommées ne représenteraient donc qu’entre 5 % et 20 % du nombre réel d’espèces.
De l’autre, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité sont au cœur des préoccupations sociétales sur l’environnement. On ne sait pas si c’est « le quart ou la moitié » des espèces qui pourrait avoir disparu « d’ici le milieu ou la fin du siècle », mais l’ampleur de la crise de la biodiversité n’est plus contestée.
Malgré l’ampleur des enjeux, le rythme d’exploration et de description de la biodiversité est dérisoire. Au rythme actuel de la progression des connaissances, il ne faudrait pas moins de 250 à 1000 ans pour aboutir à l’inventaire de la biodiversité réclamé par les décideurs, les scientifiques et les gestionnaires. Un vrai « handicap taxonomique » que dénonce la Convention sur la diversité biologique.